« Itinérance présidentielle à l’Est : étape de Kisangani où le Chef de l’Etat va visiter le 1er bataillon d’infanterie légère formé au Camp Base »
Ce titre à la une de Digital Congo le 17-09-2010 m’a intrigué, voici pourquoi.
J’ai été surpris par le titre de cet article de Digitalcongo.net dont on sait qu’il est un média proche de l’opposition. Je ne voyais pas très bien la justesse des termes « itinérance présidentielle ». Partant du fait que Digital Congo ne saurait dure du mal de son champion, j’ai essayé de comprendre…sans succès. De deux choses l’une, ou l’auteur de l’article ne maîtrise pas bien la langue française – ce qui me semble peu probable - ou l’auteur lance une pique à l’endroit de la politique gouvernementale en faisant semblant d’encenser – ce qui est déjà arrivé – à travers le monde.
La troisième hypothèse serait que c’est plutôt moi qui ne comprends pas toutes les subtilités de la langue française. Je me devais donc de bien me documenter avant d’ouvrir ma bouche. J’ai donc cherché ce que « itinérance » voulait bien dire en français.
Voici ce qu’on trouve dans un très bon dictionnaire en ligne (http://www.cnrtl.fr/definition/itin%C3%A9rance):
1. [Le subst. désigne une pers.] Qui se déplace dans l'exercice d'une charge, d'une fonction, d'une profession. Ambassadeur, ingénieur, instituteur itinérant. On recommande aux médecins itinérants des secteurs d'injecter aux indigènes deux doses massives (Brumpt ds Nouv. Traité Méd. fasc. 5, 1 1924, p. 366). Boccace, représentant itinérant de la compagnie Bardi (Druon, Louve Fr., 1959, p. 83).
− En partic. [En parlant principalement des pasteurs méthodistes] Qui se déplace dans l'exercice d'un ministère.Pasteur, prédicateur itinérant. (Ds Littré, Rob., Lar. Lang. fr.). Un de ces moines itinérants qui desservent à de longs intervalles les chapelles perdues des Syrtes (Gracq, Syrtes, 1951, p. 283).
− [Ds un cont. métaph.] [Le] ballet russe, missionnaire itinérant d'un art national (Levinson, Visages danse, 1933, p. 49).
2. [Le subst. désigne une institution publique ou privée, une activité de groupe] Qui va d'un lieu à un autre. Cours itinérants; exposition, université itinérante. Ce sera la première manifestation officielle en France du Théâtre national belge, qui est un théâtre itinérant avec un répertoire de soixante-dix pièces, dont la plupart sont françaises (Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 6, col. 1). Le commerce sédentaire et permanent se substitue au commerce temporaire et itinérant symbolisé par la foire (Wolkowitsch, Élev., 1966, p. 162).
B. − Qui voyage. Inondations, tempêtes, cahots, auberges, bandits, fantômes, rien n'a jamais barré la route de l'humanité itinérante (Morand, Excursions immobiles, 1944, p. 97). L'unique préoccupation du religieux mendiant et itinérant est l'obtention prochaine de la libération spirituelle (Philos., Relig., 1957, p. 52-8). La recherche de la connaissance de soi (...) transforme l'homme en pèlerin (...). La condition itinérante de l'homme fait de lui, selon l'expression employée par Gabriel Marcel, un homo viator (M.-M. Davy, La Connaissance de soi, Paris, P.U.F., 1971, p. 23).
− Emploi subst. L'itinérant se situe dans l'ordre de la transcendance, il s'achemine vers un au-delà (M.-M. Davy, La Connaissance de soi, Paris, P.U.F., 1971, p. 23).
REM.
Itinérance, subst. fém. Déplacement. Ce développement du camping : goût du plein air, possibilité de grande itinérance (Jocard, Tour. et action État, 1966, p. 143).
Prononc. : [itineʀɑ̃], fém. [-ɑ̃:t]. Étymol. et Hist. 1. 1873 prédicateurs [méthodistes] itinérants (ds Littré Add.); 2.1918 « qui a rapport aux itinéraires; qui s'occupe des itinéraires, organise des déplacements » (Lar. mens., juin). 1 empr. au lat. itinerans, part. prés. du b. lat. itinerari « voyager », à travers l'angl. itinerant, cont. relig. 1673 itinerant gospellers, 1755 itinerant missionaries, dès 1641 subst. itinerant in preaching the gospel; cont. jur. dès 1591 bailiff itinerant, 1661 itinerant juge (NED); 2 même forme avec dér. sém. de itinéraire*.
Il apparait à la lecture des différentes acceptions du terme qu’ »itinérance » ne me semble pas compatible avec la fonction présidentielle.
1. On n’exerce pas cette fonction en différents endroits comme le feraient un médecin, un ingénieur, un instituteur ou un ambassadeur. On n’est pas un jour président à Kigali, un autre à Kinshasa, un autre à Djakarta ou que sais-je encore.
2. La présidence n’est pas non plus une institution qui se déplacerait pour accomplir sa tache tel un théâtre ou une exposition.
Et si l’on devrait considérer que L'itinérant se situe dans l'ordre de la transcendance, il s'achemine vers un au-delà (M.-M. Davy, La Connaissance de soi, Paris, P.U.F., 1971, p. 23), cela n’est pas non plus très compatible avec la fonction présidentielle qui est loin d’être une recherche philosophique au-delà du visible mais plutôt une recherche de réponse pragmatique aux problèmes du moment voire aux problèmes à venir.
La résolution des problèmes ne se fait certainement pas en se déplaçant d’un endroit à l’autre ni d’un problème à l’autre, pierre qui roule n’amassant pas mousse. Les gazettiers de l’époque du MPR parti-état parlaient de « visite de travail », terme qui solennisait le moindre déplacement.
En définitive, placés côte à côte les termes « itinérance » et « présidentielle » me semble incongru. Dès lors une question se pose : « de qui se moque Digital Congo ? »
Magloire Mpembi Nkosi
Un rapport accablant sur les violations des Droits de l'Homme en RD Congo...